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Chandelles, crêpes et marmottes - Pour faire le point sur la Chandeleur au Québec

Que ferez-vous demain, le deux février, outre espérer que Fred la marmotte voit son ombre et relègue définitivement l'hiver au placard ? Mangerez-vous des crêpes ou allumerez-vous une bougie pour vous garantir l'abondance durant l'année en cours ? Faisons le point sur l'histoire de cette journée au Québec.

Le deux février pour les croyants catholiques, est depuis plusieurs siècles mieux connu comme étant le jour de la Chandeleur (Notre-Dame-de-la-Chandeleur). Faisant abstraction des ses origines païennes, cette journée commémore dans l'Église la Purification de la Vierge Marie et la Présentation de Jésus au Temple, et c'est également lors des cérémonies entourant cette solennité que les cierges sont bénis et sanctifiés. Fête inscrite au calendrier français, cette pieuse célébration atteint nos terres avec l'installation permanente des Européens au début du XVIIe siècle. Dès lors, on célèbre tous les ans, quarante jours après Noël, la Chandeleur.

La chandelle

Depuis longtemps, la chandelle revêt un caractère particulier à la Chandeleur. Dans les premiers temps du christianisme, la coutume était d'effectuer une procession au flambeau le jour de la Purification. Cette marche qui avait lieu au crépuscule devait valoir aux fidèles y participant d'importantes indulgences. D'ailleurs, « les bouts de chandelles non consumés [...] leur assuraient pendant un an la bonne santé et la prospérité matérielle[1]

Au temps de la Nouvelle-France, l'habitude était lors de la messe du 2 février de distribuer à l'assistance une chandelle, laquelle était consacrée par le prêtre officiant. C'est le gouverneur qui recevait d'abord le cierge ; les autres bougies étaient ensuite réparties selon la notabilité et le rang social des ouailles. Ce mode d'attribution élitiste que l'on connaissait en 1646 s'estompa rapidement, si bien qu'en 1648, on avait fait place au concept de premier arrivé au balustre, premier servi.

En lien avec son sens religieux, la chandelle bénie devait garantir chez son propriétaire la bonne fortune et le bonheur. Notamment, elle faisait office de paratonnerre et « de moyen de protection efficace contre les intempéries[2] », elle attirait l'abondance des récoltes et de la pêche, protégeait contre les menaces de la vie, et accompagnait le mourant vers l'Éternel. Certaines de ces croyances existent encore aujourd'hui, surtout chez les fidèles catholiques. Votre grand-mère allume-t-elle une chandelle lors d'une violente tempête ?

La crêpe


Manger une crêpe lors de la Chandeleur, voilà une autre tradition venue de France et dont nos ancêtres ne manquaient pas année après année. Tout comme la chandelle, la crêpe consommée en ce début de février devait être synonyme de chance à la fois pour les récoltes et pour divers aspects de la vie.

Effectivement, avaler une crêpe lors de cette fête pouvait valoir à l'agriculteur une importante récolte de blé de très bonne qualité. Le contraire promettait la misère, car « si on [ne] faisait pas de crêpes, le blé [ne] murissait pas[3]. » D'autre part, la crêpe de la Chandeleur avait aussi des vertus médicales ; la manger éloignait les poux et la grattelle pour toute l'année. Finalement, on ne pourrait passer sous silence ses prérogatives pécuniaires ; pour seulement un peu de farine, un oeuf et du lait, la prospérité était assurée !

Dans certaines communautés de la Côte-du-Sud, on « courrait la Chandeleur », phénomène qui consistait à faire le tour du voisinage afin de recueillir tous les ingrédients nécessaires à la confection de ladite crêpe. La charité des gens était alors soulignée par la remise d'un ruban que l'on accrochait à la maison du généreux donateur. Dans certains cas, comme dans les foyers acadiens de Terre-Neuve, les denrées recueillies étaient distribuées aux pauvres et on terminait la journée par une grande fête[4].

De nos jours, la crêpe demeure dans certains foyers l'aliment que l'on se doit de consommer à la Chandeleur. Une autre coutume y étant reliée survit également : glisser dans son porte-monnaie une petite crêpe enveloppée de papier parchemin afin de se garantir une vie financière sans soucis.

Marmotte et autres croyances populaires


La chandelle et la crêpe ayant perdu de leur lustre au fil des ans, il est d'un symbole attaché à la Chandeleur qui demeure toujours d'actualité : la fameuse marmotte. À l'image d'une station météorologique, l'animal est, dit-on, en mesure de prédire la durée de l'hiver grâce à son ombre. Si, par malheur elle l'aperçoit, la saison morte risque de se poursuivre encore six semaines. Sinon, l'hiver est terminé ! Au début de la colonie, c'est l'ours qui, dans la croyance populaire, tenait ce rôle. Au fil des ans, il sera substitué par d'autres animaux de plus petite taille : la moufette ou la marmotte.

Le temps qu'il fait lors de cette journée est aussi très important. Le beau temps est craint et le temps gris est espéré : « Si le soleil était clair à la Chandeleur, l'hiver commence, si c'était sombre, une partie de l'hiver était passée[5]. » On dit aussi qu'à la Chandeleur, on a repris deux heures de clarté depuis le solstice d'hiver.

Jadis jour important de l'année qui fut longtemps une balise au coeur de l'hiver, la Chandeleur est aujourd'hui une journée comme les autres. Seules quelques traditions encore vivantes dans certains coins de la province témoignent de l'importance et de la signification de cette journée pour nos aïeux.

Bibliographie


BUTLER, Gary R., Histoire et traditions orales des Franco-Acadiens de Terre-Neuve, Québec, Septentrion, 1995, 265 p.

PROVENCHER, Jean, Les quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent, Montréal, Boréal, 2010, 605 p.

RODRIGUE, Denise, Le cycle de Pâques au Québec et dans l'Ouest de la France, Québec, Presses de l'Université Laval, 1983, 333 p.

ROY, Carmen, Littérature orale en Gaspésie, Montréal, Leméac, 1981, 444 p.

[1] Denise Rodrigue, Le cycle de Pâques au Québec et dans l'Ouest de la France, Québec, Presses de l'Université Laval, 1983, p. 10.
[2] Ibid, p. 14.
[3] Marie Fournier et Priscille Cormier, citées dans Denise Rodrigue, Le cycle de Pâques au Québec et dans l'Ouest de la France, p. 19.
[4] Gary R. Butler, Histoire et traditions orales des Franco-Acadiens de Terre-Neuve, Québec, Septentrion, 1995, p. 71.
[5] Florida Talbot, citée dans Denise Rodrigue, Le cycle de Pâques au Québec et dans l'Ouest de la France, p. 28.

2 commentaires:

La Brunette a dit…

Très intéressant comme article ! J'adore le fait que ça parle de l'Est-du-Québec en particulier !
J'ai une petite question par rapport aux communautés de la "Côte-du-Sud", j'aimerais savoir où ça se situe précisément? Merci :)

Marc-Antoine Dufresne a dit…

Merci la brunette ! : ) J'essaie en effet de parler le plus possible de l'Est-du-Québec. D'ailleurs, dans le livre de Denise Rodrigue sur le cycle de Pâques au Québec, plusieurs de ses informateurs viennent de la Gaspésie, dont Priscille Cormier, de New-Richmond, que j'ai cité dans cet article.

Pour ce qui est de la Côte-du-Sud, c'est la région située entre Berthier-sur-Mer et Saint-Roch-des-Aulnaies, qui comprend entre autres les localités de Montmagny et de L'Islet.

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